Qu’est-ce que la mise à pied conservatoire en droit du travail ? Show
Bien différencier la mise à pied conservatoire de la mise à pied disciplinaireD’une manière générale, le droit du travail désigne par « mise à pied » toute mesure de suspension du contrat de travail d’un salarié, prononcée par son employeur, et consistant à l’écarter temporairement de l’entreprise. Mais si cette définition englobe toutes les hypothèses de mise à l’écart du salarié dont la présence pourrait nuire à l’entreprise (comportement fautif grave, mésentente physique et/ou verbal avec des collègues, menace directe à la sécurité, etc.), la mise à pied revêt en réalité deux notions avec des définitions différentes :
Il convient alors de bien distinguer les deux formes de mise à pied, car l’application d’un régime juridique propre dépend précisément de la qualification retenue. La distinction est d’autant plus importante qu’elle emporte des conséquences sur la légitimité du licenciement prononcé à la suite de la suspension du contrat. Peu importe la dénomination donnée par l’employeur, le juge peut requalifier une mesure prononcée en une sanction disciplinaire s’il estime que les critères de la mise à pied conservatoire ne sont pas réunis. Dans cette hypothèse, et selon l’adage connu en droit français selon lequel il ne peut y avoir « deux sanctions pour une même faute » (principe de non-cumul), l’employeur est réputé avoir épuisé son pouvoir disciplinaire à l’égard des faits reprochés, privant ainsi le licenciement de cause réelle et sérieuse. Comment reconnaître et s’assurer qu’il s’agit d’une mise à pied conservatoire ? Quels sont les effets et les limites entourant le régime de cette mesure provisoire ? Il convient d’analyser l’état actuel du droit en matière de mise à pied conservatoire. Critères pour déterminer si une mise à pied est bien prononcée à titre conservatoireAlors que la mise à pied « disciplinaire » n’a qu’une incidence temporaire sur la relation contractuelle, et qu’elle désigne ainsi une sanction à durée déterminée, la mise à pied « conservatoire » n’est pas une sanction mais une mesure à effet immédiat que l’employeur peut adopter lorsque l’agissement du salarié la rend indispensable (article L. 1332-3 du code du travail). Bien qu’elle constitue généralement le préalable à une sanction de plus forte ampleur (licenciement, mise à pied disciplinaire, etc.), la mise à pied conservatoire est avant tout une mesure d’attente qui permet à l’employeur de prendre le temps de réfléchir sur le sort du contrat de travail du salarié. La mise à pied à titre conservatoire ne doit pas préjuger de la décision définitive. A l’issue de ce temps de réflexion, l’employeur peut donc notifier au salarié une sanction mineure (avertissement, blâme, etc.), un licenciement disciplinaire voire même un licenciement pour une simple insuffisance professionnelle (Cass. soc., 4 mars 2015). Mais il ne doit pas le faire. Pour autant, il convient de bien retenir les critères qui facilitent la reconnaissance d’une mise à pied conservatoire afin d’éviter que celle-ci soit requalifiée en sanction disciplinaire. La mise à pied conservatoire doit :
Préciser le caractère conservatoire est conseillée mais pas obligatoireIdéalement, le caractère conservatoire (et non disciplinaire) d’une mise à pied doit être mentionné comme tel, par l’employeur, dans la lettre de convocation à entretien préalable ou tout autre document. En effet, la simple mention d’une mise à pied à titre conservatoire suffit et permet de ne pas créer d’ambiguïté sur la nature non-disciplinaire de la mesure. Il importe peu dans ce cas, que le terme de la mise à pied soit fixé. En pratique toutefois, la mise à pied conservatoire est souvent prononcée à l’oral, et pourra ensuite être notifiée dans la lettre recommandée de convocation à l’entretien préalable, qui confirme la nature de la mesure. Le danger d’un défaut de mention explicite s’observe à la lumière d’une affaire récente, dans laquelle les juges ont déjà pu considérer que l’employeur, qui notifie à un salarié une mise à pied sans indiquer son intention de mettre en œuvre une procédure de licenciement, sans engager immédiatement celle-ci et en qualifiant la mise à pied de manière ambiguë, rendait les circonstances telles qu’il était impossible de savoir si cette même « mise à pied » était disciplinaire ou conservatoire. De fait, la Cour a préféré alors qualifier cette mise à pied de « disciplinaire » (Cass. soc., 21 janv. 2015). Les conséquences d’une mise à pied conservatoireN’étant pas une sanction disciplinaire, la mise à pied conservatoire ne suit donc pas les règles strictes attachées à la procédure disciplinaire du droit français et ainsi :
Mais le cœur du débat est autre part. Destinée à écarter le salarié de l’entreprise pendant le temps nécessaire à l’accomplissement de la procédure de licenciement, la mise à pied conservatoire entraîne la suspension du contrat de travail et, corrélativement, une perte de salaire. Mais attention, ce n’est que dans l’hypothèse où un licenciement pour faute grave ou faute lourde est prononcé que la privation du salaire sera justifiée. Pour cela :
À défaut, la mise à pied sera requalifiée de sanction disciplinaire, et la mesure définitive (licenciement pour faute simple, rétrogradation, etc.) jugée illicite sur le fondement du principe du non-cumul des sanctions pour une même faute ;
À défaut, le déclassement d’une faute grave ou lourde par le juge n’entraîne pas la requalification de la mise à pied conservatoire en mise à pied disciplinaire, mais ouvre seulement droit au paiement du salaire correspondant. Précision pratique : si l’employeur renonce au licenciement et prononce finalement une mise à pied disciplinaire, la durée de la mise à pied conservatoire s’impute sur la durée de la mise à pied disciplinaire. La retenue de salaire ne pourra alors être effectuée que sur la durée imputée durant laquelle le salarié a été mis à pied à titre conservatoire. Exemples récents de fautes pouvant justifier une mise à pied conservatoirePour finir, il paraît intéressant de recenser les dernières affaires dans lesquelles les juges ont pu retenir la qualification de faute grave justifiant le non-paiement du salaire lors de la mise à pied conservatoire du salarié. Ainsi, revêt les caractéristiques d’une faute grave :
Françoise Berton, avocat en droit allemand Tous droits de propriété intellectuelle réservés Photo: thodonal Quelle faute pour mise à pied conservatoire ?En effet, la faute grave ou lourde est « celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ». La seule faute grave pour laquelle la nécessité de la mise à pied à titre conservatoire est discutée est l'abandon de poste. Voir mise à pied conservatoire et abandon de poste.
Quelles sont les raisons d'une mise à pied ?La mise à pied est avant tout une mesure que prend l'employeur à l'encontre d'un salarié fautif, qui s'inscrit dans l'arsenal disciplinaire prévu par le Code du travail. En pratique, les employeurs utilisent la mise à pied lorsque la faute commise par le salarié empêche son maintien dans son poste de travail.
Quand PeutLorsque la gravité du manquement commis par un salarié justifie qu'il soit écarté de l'entreprise, l'employeur peut prononcer une mise à pied conservatoire. Cette mesure permet à l'employeur de suspendre temporairement l'activité de l'employé, le temps de prendre une décision définitive.
Comment se défendre contre une mise à pied conservatoire ?Que ce soit dans le cadre d'une mise à pied conservatoire ou disciplinaire, l'employer doit notifier sa décision via une lettre recommandée avec accusé de réception ; Le salarié peut saisir le Conseil de prud'hommes deux jours après l'entretien préalable s'il conteste la décision.
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