Les contemplations poème sur la mort

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Ne dites pas : mourir ; dites : naître. Croyez.
On voit ce que je vois et ce que vous voyez ;
On est l’homme mauvais que je suis, que vous êtes ;
On se rue aux plaisirs, aux tourbillons, aux fêtes ;
On tâche d’oublier le bas, la fin, l’écueil,
La sombre égalité du mal et du cercueil ;
Quoique le plus petit vaille le plus prospère ;
Car tous les hommes sont les fils du même père,
Ils sont la même larme et sortent du même œil.
On vit, usant ses jours à se remplir d’orgueil ;
On marche, on court, on rêve, on souffre, on penche, on tombe,
On monte. Quelle est donc cette aube ? C’est la tombe.
Où suis-je ? Dans la mort. Viens ! Un vent inconnu
Vous jette au seuil des cieux. On tremble ; on se voit nu,
Impur, hideux, noué des mille nœuds funèbres
De ses torts, de ses maux honteux, de ses ténèbres ;
Et soudain on entend quelqu’un dans l’infini
Qui chante, et par quelqu’un on sent qu’on est béni,
Sans voir la main d’où tombe à notre âme méchante
L’amour, et sans savoir quelle est la voix qui chante.
On arrive homme, deuil, glaçon, neige ; on se sent
Fondre et vivre ; et, d’extase et d’azur s’emplissant,
Tout notre être frémit de la défaite étrange
Du monstre qui devient dans la lumière un ange.

Au dolmen de la tour Blanche, jour des Morts, novembre 1854.

Victor Hugo, Les Contemplations

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Le pdf du poème Ce Que C’est Que La Mort de Victor Hugo est disponible dans le recueil Les Contemplations :

Les contemplations poème sur la mort

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La souffrance constitue le thème central des Contemplations. Elle est liée à la mort, en 1843, de la fille de Victor Hugo, Léopoldine, qui a entraîné un profond bouleversement intérieur de l'homme et du poète. Ce poème appartient à la quatrième partie du recueil Pauca meae.

Demain, dès l'aube, à l'heure où blanchit la campagne,
Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m'attends.
J'irai par la forêt, j'irai par la montagne.
Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps.

Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées,
Sans rien voir au dehors, sans entendre aucun bruit,
Seul, inconnu, le dos courbé, les mains croisées,
Triste, et le jour pour moi sera comme la nuit.

Je ne regarderai ni l'or du soir qui tombe,
Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur,
Et quand j'arriverai, je mettrai sur ta tombe
Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur.

Source : Victor Hugo, Les Contemplations, 1856 (extrait)

Pour citer l'article : « Les Contemplations, de Victor Hugo (extrait) : l’écriture du deuil », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le . URL : http://junior.universalis.fr/document/les-contemplations-de-victor-hugo-extrait-l-ecriture-du-deuil/

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Les contemplations poème sur la mort
Voici un commentaire du poème « Mors » issu du recueil Les Contemplations (1856) de Victor Hugo.

Mors, Victor Hugo, introduction de commentaire

Les Contemplations, publiées par Victor Hugo en 1856 durant son exil à Jersey, est une sorte d’autobiographie poétique qui donne à voir vingt-six années de la vie du poète (voir la fiche de lecture des Contemplations de Victor Hugo)

Le recueil est divisé en deux parties – « Autrefois » et « Aujourd’hui » – dont la césure se situe en 1843, date de la mort par noyade de sa fille Léopoldine.

Ce deuil marque durablement Victor Hugo et son regard sur le monde va en être changé.

Et ce d’autant plus qu’entre 1852 et 1855, Victor Hugo s’exile à Jersey pour fuir le régime de Napoléon III. Il vit alors une crise mystique qui l’entraînera jusqu’à des expériences de spiritisme.

Le poème « Mors » est le point de rencontre de tous ces événements qui transforment la vie de Victor Hugo. La mort est ainsi omniprésente dans ce poème de Victor Hugo : le mort de sa fille (I), la mort des peuples à travers la guerre (II) et la mort de tout homme appréhendée d’un point de vue mystique (III).

Questions possibles à l’oral de français sur « Mors » :

♦ En quoi le poème « Mors » est-il romantique ?
♦ Quels sont les différents visages de la mort dans ce poème ?
♦ En quoi ce poème est-il une contemplation ?
♦ Quelle vision de la mort nous propose Victor Hugo dans ce poème ?
♦ Pourquoi le poème est-il intitulé « Mors » ?

I – Une vision autobiographique de la mort

 A – Une description romantique de la mort

Dans le poème « Mors », la mort est mise en scène, dramatisée.

La mort est tout d’abord allégorisée sous les traits d’une « faucheuse » qui s’anime sous les yeux du lecteur par des verbes d’action au participe présent « moissonnant et fauchant » (v.2) ou des verbes de mouvement « allait à grand pas » (v.2).

L’ouverture du poème par le passé simple « Je vis » ainsi que l’emploi de déictiques « cette », « son champ » dramatise cette vision et renforce la présence angoissante de la mort.

Cette allégorie de la mort est d’autant plus dramatique qu’Hugo la donne à voir (« je vis », « l’homme suivait des yeux ») et à entendre à travers les allitérations en  [ch],  [s] et les assonances en [an] :

Je vis cette faucheuse. Elle était dans son champ.
Elle allait à grands pas moissonnant et fauchant,

Les allitérations en [ch] et [s] font entendre les bruits secs et violents de la faux et les assonances en [an] déploient une musicalité funèbre.

Le polyptote autour de la racine (« faux ») à travers les termes « faucheuse », « fauchant », « faulx » multiplie l’image de la faux qui devient obsédante.

Cette représentation de la mort reprend la tradition médiévale où la mort était représentée par la grande faucheuse.

Hugo s’inscrit ainsi dans le mouvement romantique fasciné par le Moyen-Age et ses représentations allégoriques comme en témoigne l’orthographe archaïsante « faulx » qui rappelle les poèmes de François Villon.

B – La disparition de Léopoldine

Le poème « Mors » fait également écho à la disparition brutale de Léopoldine en 1843 qui marque un tournant dans le recueil des Contemplations.

Le champ lexical de la peur (« Noir squelette », « tremble », « doigts osseux », « éperdus », « frissonnant », « deuil », « épouvante », « nuit ») substitue à Léopoldine l’image saisissante d’un cadavre.

L’absence d’article dans l’apposition « Noir squelette » (v.3)  renforce la brutalité de la mort.

Le champ lexical de l’obscurité (« Noir », « crépuscule », « ombre », « noirs grabats », « faulx sombre », « ombre », « nuit ») symbolise le deuil de Victor Hugo et crée une atmosphère fantastique.

Le champ lexical de la filiation (« enfants », « mères », « ce petit être », « naître », « ange ») dessine en filigrane le portrait de Léopoldine.

L’alternance entre rimes masculine et rimes féminines (terminée par un e muet) associe alors poétiquement le père et sa fille et met en valeur la douleur de la séparation.

Transition :L’évocation de la mort ne se limite pas à cette dimension autobiographique. Si la disparition de Léopoldine a bouleversé Victor Hugo dans sa chair, elle l’a éveillé à la tragédie de la mort pour tous les hommes.

II – Une vision politique de la mort

 A – La mort : une tragédie collective

L’évocation de la mort ne se limite pas à l’espace intime de la famille. Victor Hugo met en scène des substantifs collectifs – « l’homme », « triomphateurs », « peuples », « troupeau » – qui montrent que la mort est une tragédie collective qui fauche l’ensemble de l’humanité.

Le registre tragique transparaît dans les nombreuses hyperboles qui soulignent que la mort touche toute l’humanité : « tout tremble et recule », « yeux des mères en ruisseaux », « Ce n’était qu’un sanglot sur terre », « Tout était sous ses pieds deuil, épouvante et nuit ».

Victor Hugo crée ainsi un tableau apocalyptique marqué par le verbe « changeait » au vers 7.

Le pouvoir transformateur de la mort est en effet mis en avant à travers une série d’antithèses :
♦ « désert »/ « Babylone »;
♦ « trône » / « échafaud »;
♦ « rose »/ « fumier »;
♦ « enfants » / « oiseaux »;
♦ « or »/ « cendre ».

Ces antithèses s’inscrivent dans une esthétique baroque fondée sur les métamorphoses, mais des métamorphoses qui créent ici le néant et le tragique.

Les antithèses « Les roses en fumier, les enfants en oiseaux » insistent sur le caractère aveugle et mécanique de la mort insensible à la beauté et à la jeunesse.

Quant au chiasme du vers 8 (structure ABBA) « Le trône en échafaudet l’échafaud en trône », il rappelle que les grandeurs épiques (le « trône« ) sont vaines et minées par la mort (« échafaud« ).

La circularité du chiasme symbolise la roue de la Fortune qui mène les hommes de grandeurs en décadences.

La juxtaposition des termes « désert » et « Babylone » au vers 7 (« en désert Babylone» ) rend encore plus brutal ce passage de la grandeur à la décadence.

Le discours direct qui fait entendre la voix des mères accentue le pathétique de cette scène (« Rends nous ce petit être. / Pour le faire mourir pourquoi l’avoir fait naître ? » vv.11 et 12).

Les femmes qui pleurent sont assimilées au chœur des tragédies grecques.

B – Une critique de Napoléon III et de la guerre de Crimée

Le poème « Mors » est aussi un poème politique à visée polémique.

Le champ lexical politique (« triomphateurs », « arcs triomphaux », « trône »« Babylone », « peuples ») montre que Victor Hugo cible Napoléon III pour lequel il vouait mépris et haine.

L’évocation des « arcs triomphaux » est une allusion à l’Arc de Triomphe dont la construction a été décidée par Napoléon Ier, l’oncle de Napoléon III, en 1806.

En mars 1854, date d’écriture du poème, Napoléon III avec le Royaume-Uni et l’Empire Ottoman déclarent la guerre à la Russie et ouvrent la guerre de Crimée.

Pour Victor Hugo, Napoléon III cherche en Crimée à revivre l’épopée napoléonienne qui selon lui n’a semé que la mort et le chaos.

Victor Hugo suggère que la guerre de Crimée est une répétition de la désastreuse campagne de Russie de 1812 à laquelle Hugo fait allusion à travers le « vent froid  [qui] bruissait dans des linceuls sans nombre » (v.15).

Victor Hugo porte un regard polémique et satirique sur cette guerre.

Le peuple est ainsi animalisé en « troupeau ».

La conquête est remplacée par le verbe « s’enfuit » montrant la lâcheté de cette guerre : « Un troupeau frissonnant qui dans l’ombre s’enfuit » (v.17).

Le verbe « Tombaient » en rejet (v.7) détruit le mouvement épique de l’alexandrin précédent :
« Et les triomphateurs sous les arcs triomphaux
Tombaient  »

Sous les traits de la faucheuse apparaît ainsi le portrait de Napoléon III qui entraîne son peuple dans une entreprise mortifère et chaotique.

Transition : Derrière cette vision polémique, Victor Hugo donne une vision philosophique voire mystique de la mort.

III – Une vision mystique de la mort

A – Une vision chrétienne de la mort

Victor Hugo donne aussi une représentation chrétienne de la mort.

En évoquant le « haut » et le « bas » (v.13), Victor Hugo suggère une verticalité qui implique une transcendance.

Le « Noir squelette » évoque le memento mori (= souviens-toi que tu vas mourir) de la littérature baroque et chrétienne et relève du genre des vanités qui engage le lecteur à une méditation religieuse sur la condition de mortel.

L’hyperbole « les yeux des mères en ruisseaux » rappelle la métaphore biblique de la vallée de larmes dans le Psaume 84. Victor Hugo considère le monde comme un lieu de souffrance qui attend sa rédemption.

La transformation de Babylone en désert (« en désert Babylone ») évoque l’épisode de la Tour de Babel (Bible, « Genèse », 11, 1-9) qui symbolise l’orgueil et la vanité des hommes à vouloir s’égaler à Dieu.

La transformation de l’or en « cendre » est une allusion au verset de la Genèse « Tu es poussière et tu retourneras poussière ».

Le titre « Mors » en latin se rattache d’ailleurs à la langue de l’Eglise.

Dans une perspective chrétienne, la mort prend un sens : elle invite à retrouver le chemin de la foi et de la rédemption.

B – Une révélation mystique

Le poème évolue vers des images qui suggèrent la renaissance et l’apaisement.

Le poème passe ainsi de l’obscurité (« noir », « ombre ») à la lumière («flammes », « ange » ) et de l’espace terrestre (« champ », « sur terre », « sous ses pieds » à un espace céleste symbolisé par l’ange.

Au vers 19, « les douces flammes » s’opposent au feu de l’enfer. La fin du poème suggère ainsi un apaisement voire une renaissance comme l’atteste la métaphore filée de la moisson qui va de « faucheuse » (v.1), à « faulx » (v.16) et jusqu’à « gerbe » (v.20).

Victor Hugo écrit bien une contemplation mais il s’agit d’une contemplation mystique, qui permet un rapprochement avec le divin.

Le vers 18 qui précède l’apparition de l’ange fait entendre un rythme ternaire « deuil, épouvante et nuit » qui suggère la trinité où derrière la mort du fils se cache l’esprit saint et la Rédemption.

L’« ange souriant » qui apparaît dans le dernier vers matérialise cette révélation mystique.

Mors, Victor Hugo, conclusion

Victor Hugo présente dans « Mors » une vision protéiforme de la mort qui lui permet de montrer toutes les facettes de l’écrivain.

Touché lui-même par la mort de sa fille, il exprime le deuil intime et le caractère effrayant de la mort.

Il en montre aussi le caractère révoltant à travers la mort orchestrée par les puissants.

En ce sens, « Mors » préfigure le ton satirique et polémique des Châtiments, un recueil à charge contre Napoléon III.

Mais ce poème est surtout une contemplation. Victor Hugo cherche à trouver un sens caché à la mort en en donnant une vision mystique que l’on peut trouver aussi dans un autre poème comme « Crépuscule ».

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Les contemplations poème sur la mort

Quel est le plus beau poème de Victor Hugo ?

Demain, dès l'aube est possiblement le plus beau poème de Victor Hugo. Publié dans le recueil Les Contemplations (1856), il se compose de trois quatrains d'alexandrins en rimes croisées.

Quels sont les thèmes dans les Contemplations ?

Les thèmes récurrents sont donc la souffrance et l'expression des sentiments, la nostalgie, l'amour, les passions, la mort. Le lyrisme est très présent. Le recueil étudié ici répond bien à ces règles du romantisme, exaltant l'angoisse, la peur, la mort, mais proposant aussi l'espoir et la lumière.

Quel est le poème préféré de Victor Hugo ?

Demain, dès l'aube, à l'heure où blanchit la campagne, Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m'attends. J'irai par la forêt, j'irai par la montagne.

Qu'est

La sombre égalité du mal et du cercueil ; Quoique le plus petit vaille le plus prospère ; Car tous les hommes sont les fils du même père ; Ils sont la même larme et sortent du même oeil.